« Dimbali », le projet de l’ESP qui a changé la vie des femmes de Ngayéne Sabakh

Au village de Ngayéne Sabakh, chef-lieu de la commune du même nom, situé dans l’arrondissement de Medina Sabakh, à 100 km de Kaolack, les femmes ne tarissent pas d’éloges à l’endroit de l’équipe d’ Enactus Ecole Supérieure Polytechnique de Dakar.
Leur Maire également ne manque pas d’occasions pour exprimer sa satisfaction depuis le premier jour qu’il a reçu ces étudiants de l’ESP, venus lui faire une proposition qui va changer la vie des populations, notamment les couches les plus fragiles.
En effet depuis quatre ans, à travers son projet phare « Dimbali », Enactus-ESP y déroule des actions portant sur l’entrepreneuriat social, l’autonomisation des femmes et la lutte contre la malnutrition, et ce, par ses propres moyens. Des réalisations qui ont eu aujourd’hui un impact considérable sur le quotidien des Ngayénaises et qui dépassent de loin leurs attentes.
Celles-ci, regroupées autour de leur GIE Fédération des Associations Villageoises d’Épargne et de Crédit (FAVEC), commencent enfin à voir des lueurs d’espoirs dans leur longue lutte pour sortir de la pauvreté. Un fait que nous confirme leur présidente Mbengue GAYE, selon qui, cette collaboration avec Enactus-ESP leur a beaucoup servi. « Nous les femmes de Ngayéne Sabakh, sommes très satisfaites de notre relation avec ces étudiants de l’ESP. Ils ont réussi la prouesse de nous unir autour de l’essentiel, dans notre unique intérêt. Notre association existait certes, mais nous n’étions pas assez nombreux et n’avions presque pas d’activité. Ce sont eux qui nous ont ensuite montré la voie à suivre », affirme Mme GAYE.
Poursuivant, elle ajoute : « Si actuellement nous commençons à gagner bien notre vie, si nos enfants ne souffrent plus de malnutrition et que nos jeunes ont de nouvelles compétences c’est grâce à ces étudiants de l’ESP. Ils nous ont appris à revaloriser le Dimb, un fruit plein de bienfaits et très abondant ici, mais que nous ignorions. Avant on croyait même que sa consommation était source de maladies jusqu’au jour où ils nous ont fait voir le contraire ».
Sa collègue MBombé SECK de son côté, abonde également dans le même sens. « Les jeunes de l’ESP nous ont montré comment transformer le Dimb en farine fortifiée avec le pain de singe, la patate douce, le mil, etc. Un produit dont la commercialisation nous assure des rentrées d’argent. Nous avons appris aussi la comptabilité, les techniques de vente, entre autres. Nos jeunes artisans ont aussi été formés dans la fabrication des séchoirs solaires », atteste-t-elle.
A les entendre, la venue de l’équipe d’Enactus dans leur localité a été salutaire au vu des résultats que cela a engendré. Actuellement, grâce à leurs produits à base de Dimb, leur situation a complètement changé. La farine fortifiée, riche en vitamines et en fer, est très demandée, et elles ont même du mal à satisfaire les commandes qui viennent désormais de partout.
Aujourd’hui, la Cellule Nationale de Lutte Contre la Malnutrition constitue le plus gros client du GIE-FAVEC de la commune. Depuis l’année dernière, elle rachète toute la production de farine de Dimb fortifiée pour la redistribuer aux postes de santé des zones rurales touchées par ce fléau.
𝐓𝐨𝐮𝐭 𝐞𝐬𝐭 𝐩𝐚𝐫𝐭𝐢 𝐝’𝐮𝐧 𝐜𝐨𝐧𝐬𝐭𝐚𝐭
L’histoire entre les femmes de Ngayéne et l’équipe Enactus de l’ESP ne date pas d’aujourd’hui et ne finit pas d’être racontée par celles-ci. Elle démarre en 2016 sur les bancs de l’ESP, quand un groupe d’étudiants se penchaient sur les rapports de la Cellule Nationale de Lutte contre la Malnutrition. Ils découvrirent alors la difficile situation socio-économique des habitants. Un taux de chômage élevé chez les jeunes et les femmes, un pouvoir d’achat très faible, la malnutrition infantile, la déforestation, l’absence d’électrification, etc., sont le quotidien des 3000 âmes qui se réveillent dans cette contrée reculée, à quelques encablures de la frontière entre le Sénégal et la Gambie. Les principales occupations des populations restent l’agriculture, l’élevage et les activités commerciales transfrontalières.
Pour autant, Ngayéne regorge d’un trésor inestimable qui, s’il est valorisé, deviendrait la solution aux moult problèmes des habitants. Il s’agit d’un arbre appelé « Dimb » en wolof, ou Cordyla Pinata son nom scientifique. Comme nous explique Betty KANE, membre du Pôle chimie d’Enactus, le Dimb est « très abondant dans le village et aux alentours, il est riche en nutriments et renferme des bienfaits inimaginables ».
« Le fruit, quand il est mûr, peut être transformé en purée, en confiture, en gâteau. Les feuilles de l’arbre portant du Dimb peuvent être utilisées dans le traitement des maux de ventre et des conjonctivites. Les décoctions des racines et d’écorces sont employées contre les maladies vénériennes. La sève a des propriétés laxatives (lutte contre la constipation) », affirme Mlle KANE, également élève ingénieure au département Génie chimique et Biologie appliquée.
Malheureusement, tous ses bienfaits restaient méconnus des populations locales. Cela changea en 2017, quand un groupe d’étudiants venus de Dakar se présenta devant le maire de la commune avec une idée ambitieuse qui pourrait résoudre beaucoup de difficultés auxquelles font face les populations.
𝐔𝐧𝐞 𝐫𝐞𝐧𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞 𝐝𝐞́𝐜𝐢𝐬𝐢𝐯𝐞
« À l’époque, la localité n’était même pas électrifiée et la route entre Medina Sabakh et Ngayéne n’était pas assez praticable. Je me suis dit, mais quelle volonté anime ces jeunes jusqu’à leur faire tout ce voyage de 300 km pour venir nous apporter leur aide ? Après les avoir attentivement écoutés, j’ai remarqué chez eux une profonde détermination à nous assister », se rappelle l’édile de la commune, Goumba GAYE, au cours d’une rencontre ce vendredi 19 février 2021, dans le cadre des préparatifs de la visite des délégations de l’administration de l’ESP et du Ministère de la Femme.
« Ils nous ont montré que le Dimb, un fruit abondant, mais très négligé dans notre village, peut être une solution à nos nombreux problèmes. C’est ainsi que nous avons eu connaissance de tous les avantages qu’il y a dans l’exploitation de cet arbre », explique-t-il encore.
C’est à la sortie de cette rencontre d’il y a quatre ans que démarre « Dimbali », mot wolof qui signifie entraide en français. Il s’agit d’un projet tentaculaire qui touche à tous les secteurs stratégiques de la localité : société, économie, santé, environnement et éducation.
D’après Ibrahima CISSÉ, ancien team leader d’Enactus-ESP, le plus important pour eux au début était d’abord de convaincre les locaux de la pertinence du projet pour pouvoir l’appliquer. Un problème qu’ils ont surmonté facilement car ayant trouvé sur place un maire très disponible et des femmes hyper motivées. « Après cela, nous avons passé à la phase de formation portant sur la production de différentes sortes de produits à base de Dimb : de farine fortifiée avec du pain de singe et du mil, de la farine pâtissière avec du Blé, du Nectar, de confiture et d’engrais de Dimb », a-t-il laissé entendre.
S’en sont suivies d’autres séances au cours desquelles les membres du GIE ont appris des notions en Hygiène qualité et sécurité, techniques de vente, comptabilité de caisse, leadership féminin, etc. sans oublier aussi d’autres activités telles que la technique d’élaboration de pépinières de plants de Dimb et de reboisement de plants différents espèces.
Pour leur permettre de mieux exploiter leurs compétences nouvellement acquises, les polytechniciens ont mis à la disposition des femmes un séchoir solaire capable de sécher 20 kg de Dimb toutes les 72 heures et complètement à l’abri de l’infiltration des rayons X solaires afin de conserver tous les éléments nutritifs du fruit. De leurs côtés les jeunes artisans trouvés sur place ont été formés aussi à la fabrication de ces séchoirs.
Pour maintenir le cap, suivre l’avancée du projet et aussi parer à toute éventualité, les encadreurs ont mis en place des indicateurs de performance qui leur permettent d’intervenir pour résoudre d’éventuels problèmes. Selon Oumou Kalsoum SOW DIOUF, chef de projet Dimbali, cette méthode reposait sur une feuille de route « bien établie pour la durée qui prend en compte l’immersion, le transfert de compétences et les différents mécanismes de suivi ». « Nous effectuons des suivis à distance et d’autres sur place qui nous permettent de connaitre l’évolution du projet », nous explique-t-elle.
𝐃𝐞𝐬 𝐢𝐦𝐩𝐚𝐜𝐭𝐬 𝐩𝐨𝐬𝐢𝐭𝐢𝐟𝐬
Quatre ans après, les retombées de ces réalisations ont dépassé largement les espoirs du maire lui-même et de ses administrées. Et M. GAYE de le justifier, chiffres à l’appui : « en effet, les actions menées depuis ont permis de réduire de 15,78% à 0%, le taux de malnutrition dans notre zone. Également, 30 femmes membres du GIE-FAVEC ont vu leurs revenus augmenter de 98%. À cela, s’ajoute la création de 112 nouveaux emplois en plus des nouvelles activités transférées au groupement féminin et aux menuisiers ».
« Si nous regardons là où nous étions hier et où nous en sommes aujourd’hui, je dirais que  »Dimbali » a eu un impact très positif sur la vie de notre communauté et les résultats sont là pour le confirmer », estime le maire de la commune. Vu ce succès obtenu à Ngayéne Sabakh, Enactus-ESP entend, à long terme, implanter le projet sur toute l’étendue du territoire national.
« Dimbali » connait actuellement une réussite fulgurante, mais fait face à une forte demande qu’il n’arrive pas satisfaire. Cela est dû au manque de moyens techniques et infrastructurels pour augmenter la production et les capacités de stockage dans des locaux adéquats. Des besoins qui dépassent les parties impliquées.
Sachant cela, la Direction de l’ESP et le Ministère de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection de l’Enfant, ont décidé d’effectuer ensemble une visite de terrain à Ngayéne pour s’imprégner des impacts du travail des étudiants d’Enactus-ESP et d’étudier les moyens d’accompagner les parties impliquées afin de renforcer les acquis et pérenniser le projet.
« Dimbali » n’est que la pointe de l’Iceberg. Enactus-ESP compte à son actif plusieurs projets implémentés dans des zones défavorisées situées un peu partout sur le territoire national. Ces initiatives ont pour dénominateur commun : l’autonomisation des femmes, le bien-être familial, l’accès à l’éducation et la protection de l’environnement.